La parole présidentielle n’est pas rare. Il arrive parfois que l’on passe à côté de déclarations intéressantes. Nous confessons que nous ignorions jusqu’à peu le contenu discours de Latran, prononcé par le chef de l’Etat le 20 décembre
, à Rome, au cours d’une cérémonie en présence de nombreux dignitaires catholiques. Comme tous les présidents avant lui, Sarko est devenu chanoine d’honneur de Saint Jean de Latran. Une façon, pour le Vatican, de rappeler que la France doit rester la fille aînée de l’Église. Mais, à la différence de ces prédécesseurs, le président s’est fendu d’une vraie déclaration d’amour pour l’église apostolique et romaine doublée d’une réflexion argumentée sur les liens entre religion et politique. Le texte prononcé vaut son pesant d’hosties;Passé le rappel historique sur le baptême de Clovis et les racines chrétiennes de notre pays, Nicolas s’est lancé dans un vibrant éloge de la foi. Que le président soit croyant et se revendique comme tel, cela ne pose évidemment aucun problème. Mais qu’en tant que responsable politique, il se laisse aller à établir une véritable hiérarchie entre croyants et non croyants, voilà quoi a de quoi hérisser le poil des laïques que nous sommes. Jugez plutôt : « La République a intérêt à ce qu’il existe une morale religieuse. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite, parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la laïcité ».
Bel exemple de relecture historique : c’est la laïcité qui est susceptible de mener au fanatisme! La religion, elle, pacifique par essence et par la preuve, est parée de toutes les vertus. Au point de se voir assignée une mission qu’on croyait réservée la seule école publique et à la famille. Je cite à nouveau : «Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ». N’était la date du discours, on se croirait revenu un siècle en arrière, au moment où les cléricaux tonnaient contre la Gueuse. Héritier des cléricaux, le président n’hésite pas à présenter la loi de 1905 comme une forme de violence faite à la religion. Le clergé aurait survécu aux foudres des fanatiques laïques que par « leur sacrifice dans les tranchées de la Grande Guerre » qui « désarmèrent l’anticléricalisme » ! Et le nouveau chanoine d’en appeler à une « laïcité positive » dont on imagine assez bien les contours.
Ce texte édifiant a provoqué, tout compte fait, assez peu de réactions. Il en dit long pourtant sur l’idéologie qui inspire Sarkozy. Et illustre une fois de plus, s’il le fallait, l’urgence d’une riposte organisée, vigoureuse, crédible, aux desseins du président.