Hypocrisie, « la légende du Tour »

Depuis Roland Barthes et son inoubliable décryptage des « mythologies » françaises, on sait que le Tour de France est bien plus qu’un simple événement sportif. Il en dit long sur l’état de la société qui le voit naître, mais aussi, finalement, sur l’humanité elle-même. Le cyclisme, c’est un condensé de vertus populaires : l’endurance, le culte de l’effort, l’abnégation devant l’adversité, le courage, l’esprit de sacrifice (les porteurs d’eau anonymes font partie de la « légende du Tour »).

Longtemps, on a opposé la vie facile des virtuoses milliardaires du ballon rond à celle des forçats de la route. Mais depuis dix ans, le vélo, comme le foot ou l’athlétisme, est pourri par l’argent et la triche. Qui pourrait s’en étonner ? La société de marché sait utiliser les valeurs du sport à son profit : l’esprit de compétition et la quête toujours recommencée de la performance prennent une tournure nouvelle quand ils rencontrent le monde de la télé et du fric.

Le cycliste, souvent issu des classes populaires, se voit contraint, s’il veut gagner sa vie, de rouler toujours plus vite, toujours plus longtemps. D’où le dopage généralisé, longtemps tu, qui concerne une bonne partie des coureurs qui n’ont, quoiqu’en disent les hypocrites, pas vraiment le choix. Les sponsors veulent un rapide retour sur investissement, les chaînes demandent des exploits, les spectateurs attendent des demi-dieux qu’ils soient à la hauteur de la légende : inépuisables et chaque année plus forts. De temps en temps, un coureur malchanceux est suspendu pour dopage.

Cette année encore, quelques-uns, parmi les meilleurs, se sont fait attraper. L’heure est à la suspicion. Et le vainqueur par défaut, l’espagnol Contador, n’échappe pas à la rumeur. Sur fond de guerres intestines entre les autorités du vélo, les organisateurs de la compétition n’en finissent pas de promettre un « tour propre » et balancent en pâture, régulièrement, quelques moutons noirs, boucs émissaires pratiques qui ne sauraient occulter longtemps le pourrissement avancé du système lui-même. Dans un magnifique lapsus, le directeur du Tour résume la situation : « le public nous soutient, le président de la République nous soutient, les sponsors nous tiennent…euh… nous soutiennent » ! Si le vélo est malade, c’est avant tout des marchands et des hypocrites.

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