L’épisode est symptomatique : l’avion de la République Française qui ramène les otages bulgares retenus en Libye ne compte à son bord ni le ministre des affaires étrangères, ni même le sous ministre aux affaires européennes.
Quand l’affaire est importante (et ici elle l’est, tant cette libération était attendue avec impatience) le président de la République dépêche sa femme et son secrétaire général. Il ne s’agit pas seulement, pour Sarkozy, de signifier que si la France se distingue, le mérite doit en revenir à lui seul (par ses proches interposés). Pour le chef de l’Etat, il est bon de rappeler, à chaque occasion, que désormais, tout procède du président de la République et que tout y ramène.
Cette lecture présidentialiste des institutions de la Vème République n’est pas nouvelle. De Gaulle l’avait théorisée en son temps, même s’il ne serait jamais venu à l’idée du général de se mêler des affaires courantes. Si Sarkozy garde du gaullisme l’idée que la nation doit être dirigée par un chef charismatique au-dessus des partis (d’où l’« ouverture »), il n’imagine pas que celui-ci puisse se contenter d’agir au sein d’un domaine réservé : le champ d’action du chef de l’Etat est, selon lui, illimité. Le locataire de l’Elysée entend aussi bien commenter un résultat sportif que négocier avec des syndicats ou conclure un accord international.
Cette prétention omnipotente est le résultat logique de la personnalisation de la vie politique. Celle-ci est encouragée par les institutions mais aussi et surtout par l’idéologie dominante. Les tenants du système préfèreront toujours les aventures individuelles aux projets collectifs ; les medias exaltent les affrontements de personnes, plus vendeurs, plus sexys et moins dangereux que les débats idéologiques. Les partis (à commencer, hélas, par le PS, comme en a témoigné la récente campagne présidentielle) ont accepté, voire favorisé cette évolution.
Faute de rompre avec cette logique, la gauche ne se « rénovera » qu’en surface.