La défaite en souriant, c’est un choix. Pourtant, il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir. Pour la troisième fois consécutive, la gauche perd l’élection présidentielle. Pire encore, avec moins de 47% des voix, le PS réalise un score inférieur à celui de 1995.
A l’époque déjà, après deux septennats de François Mitterrand, les optimistes évoquaient une « défaite d’avenir ». Les mêmes nous resservent l’expression, douze ans après, pour qualifier la performance de Ségolène Royal.
On se console comme on peut. Cette foi dans un avenir radieux aurait quelque chose de touchant si elle ne visait pas à occulter le débat nécessaire sur les causes de la défaite. S’il est trop facile de charger la seule candidate, il est également irresponsable d’évoquer la faute à pas de chance. Sarkozy a gagné autant que la gauche a perdu. Reste à savoir comment ce qui paraissait quasi impossible il y a un an (ah, ces sondages qui donnaient Ségolène vainqueur dans tous les cas de figures ! ah, les argumentaires reposant sur cette évidence : elle seule peut et va gagner !) s’est finalement réalisé.
Pourquoi le nier ? La victoire était à portée de main. Douze années de chiraquisme calamiteux. Un gouvernement à bout de souffle, contesté dans les urnes (régionales et européennes de 2004) et dans la rue (mouvements contre le CPE, grèves), terminant à moins de 30% d’opinions positives. Un candidat issu de la droite dure, ami des patrons, affichant sans complexe son libéralisme dans un pays qui lui est naturellement rétif. Un candidat élu dans une banlieue de riches, plus proche du balladurisme défunt (et défait) que du gaullisme social. Un candidat ouvertement atlantiste enfin, dans une France qui ne l’a jamais été. Il y a un an, parier sur Sarkozy, c’était risqué.
Or voilà que le ministre de l’intérieur, parvenant à convaincre un électorat qui a pourtant tout à craindre de son accession au pouvoir, remporte la mise facilement. Cette tragédie, il faudra plus que de larges sourires et des fêtes de la défaite pour en oublier l’étendue. La gauche est à reconstruire. Ça commence aujourd’hui.