Cela a été maintes fois souligné : l’Europe est la grande absente du débat des élections présidentielles. Eclipsée par des débats périphériques, la question de l’avenir de l’Union européenne devrait pourtant intéresser les prétendants à l’Elysée. D’abord parce que 70% des lois votées au Parlement sont d’origine communautaire !
Ensuite parce que la levée du blocage institutionnel consécutif à l’élargissement de 2004 dépend en grande partie de la capacité de la France à donner des perspectives à la construction européenne. Le (la) prochain(e) chef de l’Etat présidera l’Union en 2008. C’est à lui (à elle) que reviendra la responsabilité de réussir la renégociation d’un nouveau traité après les « non » français et hollandais.
Pendant que les candidats battent la campagne, les dirigeants européens ne restent pas l’arme au pied. La chancelière allemande, Angela Merkel multiplie les initiatives plus ou moins heureuses. Ainsi, le sommet des « oui » à Madrid entendait peu ou prou culpabiliser les pays ayant rejeté le Traité Constitutionnel. Plus habile, la récente déclaration de Berlin, adoptée par les gouvernements des 27 Etats membres, souhaite « relancer » l’idée d’une refonte des institutions européennes en fixant une date butoir, 2009. Le texte ne pose pas de problème : suffisamment général pour ne fâcher personne, il se borne à rappeler les grands principes qui guident l’Union européenne. Il ne fixe pas de calendrier précis et se garde d’évoquer le contenu d’un hypothétique nouveau traité. Cela ne veut pas dire pour autant que la déclaration de Berlin n’ait aucune importance. Il y a, de la part des 27, une indéniable volonté d’avancer. Vers quoi ? C’est là que le bât blesse. Le débat légitime sur les objectifs ne doit pas occulter la discussion sur les causes de la crise. Or tant que les dirigeants de l’Union n’auront pas mené une analyse sérieuse et approfondie des raisons qui ont amené deux peuples traditionnellement europhiles à rejeter le TCE, il n’y aura pas de sortie vers le haut.
En 10 ans, les Européens ont assisté, spectateurs, à des bouleversements majeurs : le passage à l’euro et l’élargissement massif à marche forcée ont parfois déconcerté. L’accélération des politiques de libéralisation et la généralisation des pratiques de dumping fiscal et social sont vécues douloureusement. Et l’on voudrait que tout continue comme si de rien n’était ?
Delors aimait à répéter que « l’Europe, c’est comme un vélo. Quand on s’arrête on tombe ». C’est cette idée qui a inspiré le travail communautaire depuis le traité de Rome dont nous commémorons en fanfare les 50 ans. Reste qu’il n’est pas interdit de mettre un pied à terre lorsque l’on est fatigué ou quand le chemin emprunté mène droit à une impasse ou à un précipice.