« Abracadabrantesque ». Cet adjectif rimbaldien fut utilisé un jour par Jacques Chirac à l’occasion d’un quatorze juillet. Il s’applique particulièrement bien au discours de vœux du président de la République.
Voilà un responsable politique qui est à la tête de l’Etat depuis douze ans. Il a usé plusieurs premiers ministres. Il a été réélu en 2002 dans les conditions que l’on sait. Bref, il a eu le temps pour lui. A la veille de son départ probable de l’Elysée, le téléspectateur s’attendait à une déclaration bilan, même partiale. Une sorte de testament politique : l’apport du chiraquisme à la France.
Au lieu de cela, le président s’est livré à l’exercice qu’il affectionne le plus : la promesse électorale. Battling Chirac ne croit pas aux forces de l’esprit. Il aime le goût de la poudre et les longues campagnes. Il ne veut pas quitter la scène. Surtout pas pour laisser la place à Sarkozy.
D’où ses vœux en forme de programme. Droit opposable au logement, sécurisation professionnelle, réforme du système des cotisations patronales, retour de la politique industrielle, initiatives pour « relancer la construction de l’Europe politique, de l’Europe sociale, de l’Europe des projets ». De quoi rempiler pour deux mandats au moins !
Evidemment, Chirac ne convaincra pas grand monde à part lui-même. Le citoyen un peu interloqué se demandera benoîtement : « que ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? ». Le cocu de 1995 s’étranglera en constatant que Chirac refait le coup de la fracture sociale. Et même le plus indulgent des électeurs de droite se pincera pour y croire. Il y avait donc tant à entreprendre !
« Plus c’est gros plus ça passe » : les Français savent que c’est la devise du chef de l’Etat. Une fois encore, il démontre de façon éclatante qu’il lui est fidèle.