L’Amérique du Sud, c’est loin et compliqué. Et le lecteur fidèle s’irritera peut-être de voir l’éditorialiste commenter, à intervalles réguliers, les résultats des élections dans ce lointain continent. Pourtant, pour un homme ou une femme de gauche, ce qui se passe là-bas est riche d’enseignements.
Une vague rouge rosée déferle dans cette partie du monde. Depuis 2005, un véritable marathon électoral s’y déroule. Les scrutins se suivent, une tendance se dégage : La gauche, plus ou moins radicale, a remporté sept victoires : en Equateur cette semaine, en Bolivie, au Venezuela, au Chili, au Costa Rica, au Pérou au Brésil, au Nicaragua. La droite se maintient au Honduras et en Colombie. Au Mexique, le bras de fer continue entre le vainqueur proclamé et le représentant de la gauche, Lopez Obrador. Au total, la gauche dirige 11 des 19 pays latino-américains.
Evidemment, les journaux occidentaux bien-pensants se hâtent de faire d’habiles distinguos entre les méchants et les gentils, les « populistes » et les fréquentables, les « nationalistes » et les raisonnables. Il est vrai que certains dirigeants sont plus « baroques » que d’autres. Que les jeunes présidents ne font pas toujours dans la sophistication. Est-ce vraiment cela qui compte alors que la dynamique politique est là, incontestable ?
Cette situation nouvelle s’explique d’abord par la volonté des peuples de mettre un terme à l’influence disproportionnée des Etats-Unis. Washington paie son soutien aux dictatures militaires pendant des décennies mais aussi ses pratiques néo-colonialistes en matière économique. Développement, progrès social et indépendance, tels sont les maîtres mots du changement à l’œuvre.
La majorité des gouvernements de gauche ont mis en place d’ambitieux programmes de lutte contre la pauvreté et d’éradication de l’analphabétisme. Au-delà, les citoyens plébiscitent des programmes fondés sur le rejet du libre-échange inégalitaire avec les Etats-Unis, sur l’intégration régionale, sur la récupération de la souveraineté énergétique (d’où l’accusation de nationalisme !), mais aussi sur le refus de l’ingérence excessive du FMI et de la Banque mondiale dans les politiques nationales (d’où l’accusation de populisme !). Bref, nous assistons à une forme de révolution pacifique. Comment ne pas être enthousiaste ?