Tout s’est donc passé comme prévu. Une forte mobilisation, un seul tour et un score sans appel de Ségolène Royal. Sa victoire est le résultat d’une double logique : celle de l’opinion et celle de l’appareil. Les adhérents du PS ont choisi à la fois la favorite des sondages et la compétitrice soutenue par les plus grosses fédérations et les principaux dirigeants du Parti.
Véritable candidate « attrape tout », elle séduit à la fois les militants des zones rurales et les cadres urbains (même si DSK réalise un bon score en région parisienne). A la fois les nouveaux et les anciens adhérents.
Ségolène Royal, c’est à la fois une image (le renouvellement passe par la femme), une rhétorique (référence systématique à la « proximité », à l’ « écoute » et à la vie quotidienne), une méthode (le « pragmatisme » contre l’idéologie, la « démocratie participative »).
Dans le domaine des idées et des propositions, elle est restée largement floue : c’est d’ailleurs cette ambiguïté programmatique qui lui a permis de rallier des suffrages divers. L’ « ordre juste » n’est pour l’instant qu’un slogan passe-partout : chacun y a mis ce qu’il a voulu. L’évocation des « jurys populaires » n’évoque pour l’instant rien de concret : Georges Frêche et Arnaud Montebourg en ont sûrement une vision un peu différente ! La critique des 35 heures peut à la fois satisfaire la gauche du PS (trop de souplesse dans l’application de la loi se retourne contre les salariés) et la droite (la réduction du temps de travail pénalise les chefs d’entreprise). La volonté royaliste de mettre l’éducation au cœur de sa campagne peut séduire l’électorat enseignant mais sa façon d’aborder la question (carte scolaire, temps de travail des profs) lui attire aussi les faveurs des groupes de pression plutôt hostiles au « Mammouth » de l’éducation nationale. En réalité, Ségolène Royal a été vraiment claire sur deux sujets : la redéfinition de la politique sécuritaire et la volonté de poursuivre la décentralisation.
Il reste donc six mois à la présidente du Poitou Charente pour mener campagne et affiner son programme. Il est impossible de faire un pronostic quant à l’issue finale, même si il est indéniable que Ségolène Royal part avec de vrais atouts. Ce qui est certain en revanche, c’est que la candidate socialiste aurait tout intérêt à retenir les leçons des précédents scrutins. On ne gagne au premier tour qu’en rassemblant son camp autour d’une orientation lisible. Et on ne mobilisera vraiment la gauche qu’en proposant des réponses précises à l’urgence sociale.