OPA de China Three Gorges (CTG) sur Energias de Portugal (EdP) : l’Europe doit protéger ses intérêts fondamentaux !

 

Après avoir acquis des infrastructures stratégiques grecques, particulièrement le Port du Pirée, qui lui ouvrent l’accès à toute la Méditerranée et consolident sa « route de la Soie », la Chine s’apprête à prendre le contrôle de la compagnie nationale électrique portugaise, Energias de Portugal.

En la matière, on peut effectivement parler de « la Chine », car la candidate à la reprise d’EdP est China Three Gorges, propriété de l’Etat chinois. CTG, dont la valeur des actifs est estimée à plus de 80 milliards de dollars, a construit le célèbre et gigantesque Barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangzi et mène depuis lors une politique très agressive dans le domaine des énergies renouvelables (la filiale EnR d’EdP est également visée par l’OPA).

On peut donc affirmer sans exagération que CTG, loin d’être une entreprise classique sur le marché, est un véritable bras armé de Pékin dans la mise en œuvre de sa stratégie mondiale d’expansion énergétique et environnementale. La vocation de CTG est dès lors autant politique qu’économique.

Or il semble que ni le Gouvernement portugais ni les institutions européennes n’aient émis de réserves sur l’offre d’achat chinoise, alors même qu’elle procurerait à l’Empire du Milieu un nouvel actif stratégique sur le sol de l’Union et porterait gravement atteinte à l’indépendance énergétique du Portugal (l’OPA porte sur la totalité du capital d’EdP). Ce sont les intérêts fondamentaux de l’Union européenne qui se trouvent directement menacés.

Si l’on s’en tient aux traités et textes communautaires en vigueur, il est… plus facile à une entreprise d’Etat chinoise qu’à une entreprise européenne  de racheter EdP! En effet, la présence de CTG dans le secteur énergétique européen étant à ce jour marginale au regard de celle des grands acteurs comme Engie, l’italien Enel ou l’espagnol Gas Natural, un rachat d’EdP ne donnerait pas lieu à contrôle de la Commission sur un éventuel abus de position dominante.

S’il est légitime d’éviter qu’une grande entreprise européenne prenne une part de marché trop importante face à la concurrence, il me paraît tout aussi légitime, voire davantage, qu’une entreprise d’Etat chinoise ne soit pas autorisée à pénétrer notre marché intérieur dans un domaine ultra-sensible comme celui de l’électricité et des énergies renouvelables ! Or le droit européen actuel empêche l’un, mais ne s’intéresse pas à l’autre.

Une timide – mais réelle – avancée législative est en cours sur la question de la protection des actifs stratégiques européens. La Commission a proposé un texte autorisant les Etats membres à procéder au filtrage des investissements extra-communautaires d’une manière similaire à celle du « décret Montebourg » ou de ce qui se pratique aux Etats-Unis. Mais quelques Etats, ainsi que les libéraux, bloquent le projet de règlement de la Commission, au nom de la sacro-sainte liberté de circulation des capitaux !

Heureusement, l’OPA de CTG sur EdP n’a pas été couronnée de succès. Les banques d’investissement comme Goldman Sachs ou JP Morgan déconseillent aux actionnaires de céder leurs titres à CTG, en raison d’un prix trop bas. Mais cela ne change rien au problème : trop d’enjeux sont en cause dans cette affaire, au premier rang desquels l’indépendance énergétique de l’Union européenne et la nécessaire vigilance face à l’expansionnisme chinois, pour nous économiser une réaction forte et collective. L’Europe doit protéger ses intérêts fondamentaux ; la sécurité de ses citoyens en dépend.

 

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